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T’es autiste? Attends ton tour.

Ce matin, un article m’a fait réagir; d’abord parce que je suis profondément touchée par le témoignage de cette mère. Qui attend. Et qui attend encore. Pour avoir des services pour son enfant autiste, qu’elle a pu faire diagnostiquer rapidement, sans doute en raison d’une belle sensibilité de sa part et d’une bonne connaissance du développement typique de l’enfant.

http://www.cyberpresse.ca/debats/opinions/201111/23/01-4470877-les-petits-autistes-orphelins-du-systeme-de-sante.php

C’est vrai : l’attente est interminable. On parle d’environ 24 mois pour une évaluation dans un centre hospitalier en clinique du développement. Antérieurement, il fallait, après avoir reçu le diagnostic, attendre un autre 12 à 24 mois pour recevoir des services des centres de réadaptation. Je ne sais pas si cette pratique est généralisée, mais je sais que maintenant, à Montréal, dès qu’un enfant est en attente en clinique du développement, il peut être placé en attente pour des services de réadaptation. Ainsi, on ne dédouble pas l’attente et advenant le cas qu’il n’ait finalement pas un diagnostic d’autisme, on le retire tout simplement de la liste du centre de réadaptation et on n’en parle plus (et on lui trouve des services adaptés à ses besoins, évidemment).

Cette attente génère excessivement de stress; imaginez qu’on vous informe que vous souffrez de diabète, après deux longues années d’incompréhension vis-à-vis de votre état de santé, de fatigue extrême par moment et d’évanouissements à l’improviste. Et qu’une fois informé, on vous dise que malheureusement, ils ne peuvent vous donner de l’insuline avant une ou deux autres années, parce qu’il y a plus de diabétiques que de quantité d’insuline.

À la différence que l’autisme n’est pas une maladie, mais un état. Une personne autiste a un cerveau qui fonctionne différemment du nôtre, neurotypiques que nous sommes. La personne autiste ne va donc pas guérir, mais s’adapter à son environnement, à son entourage, tout comme son milieu familial, son milieu de garde et éventuellement, son milieu de travail s’adaptera à lui. Alors, à partir du moment où un parent constate que quelque chose cloche, il peut avoir à attendre plus de deux ans avant que quelque chose, du côté de l’État, ne se produise.

Parce que l’État offre, via les centres de réadaptation, des services d’ABA (Applied Behavior Analysis ou Analyse Appliquée du Comportement). Cette pratique implique qu’un intervenant se déplace à domicile entre 25 et 40h par semaine pour faire de la stimulation avec l’enfant. Vous comprendrez que ce type de service est très onéreux pou l’État et que c’est pour cette raison qu’il y a moins de service que de demande. Surtout qu’on constate depuis quelques années une augmentation du nombre de diagnostic d’autisme, pouvant être du à une augmentation réelle ou encore, une sensibilité accrue de la part des parents et des intervenants pour le déceler.

Oui, les études démontrent qu’on assiste à des modifications comportementales chez les enfants qui bénéficient de ce type d’intervention; moins de comportements problématiques, une plus grande capacité de concentration, entre autres. Mais l’avis sur cette pratique est assez mitigée dans le domaine de l’autisme; l’ABA favorise donc l’intervention en un pour un d’un intervenant avec un enfant. Or, où sont passés nos beaux principes de primauté de la responsabilité parentale? Ne serait-ce pas pertinent de transmettre aux parents les connaissances, les compétences, pour qu’ils puissent mettre en place des stratégies pour aider leur enfant? Parce que les services en ABA ne sont pas éternels; un an, deux ans peut-être et après, presque le néant à nouveau. Or, comme n’importe quels acquis, il faut les répéter, les poursuivre dans le temps pour que l’on voit des effets à long terme, non?

Je suis peut-être idéaliste, naïve, optimiste ou tout simplement, psychoéducatrice, mais je crois beaucoup au potentiel des parents, et évidemment, à leur importance dans la vie de leur enfant, puisqu’ils en feront partie jusqu’à la fin. Ainsi, pourquoi ne pas les inclure davantage dans les démarches? Pourquoi ne pas les outiller davantage? Pas qu’on doive en faire des parents-éducateurs mais quand même; vive l’empowerment, où l’individu sent qu’il a un minimum de contrôle sur sa vie, qu’il a un minimum de compétences et de connaissances pour faire face aux situations qu’engendre l’autisme afin qu’il ne soit pas en détresse perpétuelle face à l’attente interminable des services. En effet, le but n’est pas les rendre dépendant des services (ou de leur faire croire qu’ils le sont!) mais de leur apprendre à s’en passer*.

-Stéphanie Deslauriers

*À cet effet, certains CLSC, notamment le CLSC de St-Michel, le CLSC de Verdun (qui dessert le territoire de St-Henri, Pointe St-Charles, Petite Bourgogne et Ville Émard) et d’autres que j’oublie ou dont j’ignore tout simplement qu’ils offrent ces services, sont dotés d’une équipe de stimulation globale/précoce, souvent composée d’une orthophoniste, d’une ergothérapeute et d’une psychoéducatrice. Ces équipes sont impliquées dans la vie des familles en attente de diagnostic en déficience intellectuelle, en autisme, en déficience physique en offrant des groupes de stimulation parents-enfant, par exemple, où on informe les parents (en termes de stratégies liées au développement du langage, de la motricité, de la gestion des comportements et de l’anxiété) afin de les outiller en attendant les services. Du soutien au CPE, sur ces territoires, est aussi offert en termes d’intégration de l’enfant. Enfin, des services peuvent exceptionnellement être dispensés à domicile pour les familles où il y a rupture de fonctionnement. Informez-vous. Autrement, vous direz que je presse pour ma paroisse, mais des services au privé peuvent être offerts (oui je sais, pour ceux en ayant les moyens, mais aussi pour ceux ayant des subventions du genre « Le Choix du Président » ou à l’aide des allocations familiales).