Parfois, je reçois des questions, des témoignages, des cris du coeur. Voici ce qu’un des messages que j’ai reçus m’a inspirée.
Qu’est-ce que le triangulation?
En géométrie, il s’agit d’une “technique permettant de déterminer la position d’un point en mesurant les angles entre ce point et d’autres points de référence dont la position est connue, et ceci plutôt que de mesurer directement la distance entre les points” (merci, Wikipédia).
En intervention, il s’agit de faire un usage croisé de différentes sources d’informations pour parvenir à ses fins. Par exemple, un usager du CLSC peut faire de la triangulation en allant chercher de l’information auprès d’un professionnel sans la partager à un autre professionnel ou encore, se plaindre du premier au deuxième sans aborder l’inconfort auprès de la personne concernée.
En contexte familial, on parle de triangulation lorsqu’un enfant sait à quel parent demander quel privilège, sachant qui des deux dira “non” et lequel acceptera. L’enfant peut également modifier la réponse du premier pour influencer le deuxième. (Oui, oui, c’est de la manipulation.)
La triangulation permet donc de diviser, de cibler les failles et de les exploiter.
En contexte familial, quelles sont les situations à risque?
On observe surtout cette réalité chez parents qui ne s’entendent pas sur les pratiques éducatives à adopter. Ainsi, il y a incohérence dans les pratiques parentales et celle-ci est perçue et connue de l’enfant.
L’enfant peut plus facilement trianguler lorsque ses parents sont séparés – surtout s’ils sont en conflit, s’ils se parlent peu ou pas, nécessairement. Il sait que ses parents ne valideront pas forcément l’information auprès de l’autre parent.
Les familles nucléaires ne sont pas à l’abri de ce type de manipulation! Si les parents ont des conflits quant à la façon d’élever leur enfant, une brèche est ouverte.
Une autre situation à risque de triangulation est l’aliénation parentale. Ce concept fait référence à une forme d’abus psychologique, reconnue comme telle au sens de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) depuis 2007.
L’aliénation parentale consiste à discréditer de manière répétée le parent aliéné devant l’enfant, afin que ce dernier se rapproche du parent aliénant et s’éloigne du parent aliéné. Le parent aliénant présente souvent un profil insécure, peut avoir des problématiques de santé mentale, chercher à avoir une relation fusionnelle avec son enfant et en vouloir à l’autre parent et veut lui “faire payer”.
Cependant, celui qui souffre le plus de cette situation est l’enfant qui se sent pris entre ses deux parents.
Comme il ne veut pas décevoir le parent aliénant, qui est sensible, fragile et/ou blessé, il peut mentir au sujet du parent aliéné pour alimenter la colère et la perception négative du parent aliéné. Il apprend à recevoir de l’attention du parent aliénant de la sorte et se sent complice de partager des informations – fausses – et négatives sur le parent aliéné. À ce sujet, un documentaire incroyable pouvant être visionné dans son intégralité sur le site de Télé-Québec, “Dictature affective“, de Karina Marceau.
Malheureusement, cette réalité est encore méconnue des professionnels, ce qui fait en sorte qu’ils peuvent croire sur parole les propos du parent aliénant et de l’enfant, même si ceux-ci sont complètement faux et peuvent porter grandement préjudice au parent aliéné.
Quelles sont les conséquences possibles?
La triangulation peut amener l’enfant à vivre de l’insécurité, puisqu’il sent qu’il contrôle ses parents, ces adultes qui devraient lui permettre d’évoluer sainement et dans des balises clairement définies. Cette situation peut également alimenter les conflits parentaux et donc, miner la qualité de l’atmosphère familiale. Une perte de confiance peut être observé entre les différents membres de la famille.
Comment intervenir?
Évidemment, lorsqu’on prend compte de la situation, il est important de verbaliser ceci à notre enfant, en lui nommant l’interdit de le faire et en le sensibilisant aux conséquences possibles (perte de confiance).
Cependant, il est primordial de se questionner en tant que parent : comment se fait-il que mon enfant ait cette possibilité de trianguler de l’information? Peut-être devrais-je améliorer la communication avec l’autre parent? Nous entendre sur les valeurs à promouvoir, les comportements à encourager et ceux à prohiber? Nous entendre sur les interventions à effectuer? Une fois l’entente prise entre parents, on est responsable de la mettre en application.
Les contre-indications
Eviter d’intervention « par-dessus » l’autre parent. C’est dans ce contexte que ce dernier perçoit la brèche dans laquelle il peut s’aventurer pour obtenir ce qu’il veut, demander de garder des secrets excluant l’autre parent, etc.
Eviter de dénigrer l’autre parent devant l’enfant : après tout, c’est son parent aussi, avec qui il a le droit de se sentir en sécurité. Et si vous avez choisi cette personne comme parent de votre enfant, il doit bien avoir des côtés positifs, non ?
Au final, rappelez-vous que c’est votre enfant qui souffre le plus de ce dénigrement d’un de ses parents, surtout lorsque perpétré par son autre parent.