Blogue

“Exprimez-vous”

Par Stéphanie Deslauriers.

Sur Facebook, avant d’écrire une publication, il est inscrit en gris : « Exprimez-vous ».

Lien de l'image : http://img.generation-nt.com/facebook_01C2000001630342.png

Lien de l’image : http://img.generation-nt.com/facebook_01C2000001630342.png

C’est ce que plusieurs font; ils s’expriment à propos d’une vidéo de chats, ils s’expriment en partageant leur joie de « tomber » en vacances, ils expriment leurs inquiétudes en lien avec une situation sociale, ils expriment leur reconnaissance envers des copains passés à la maison la veille.

Certains et certaines s’expriment à propos de sujets plus controversés : la religion, le sexe, les sexes, l’immigration, l’inclusion sociale/scolaire, la politique, etc.

Pourquoi ces sujets sont-ils plus controversés? Parce qu’ils ne font pas l’unanimité, parce qu’ils éveillent des sensibilités en nous, parce qu’ils touchent directement nos valeurs et croyances fondamentales en plus de titiller nos peurs viscérales.

La peur. Cette émotion universelle, normale, saine. Cette émotion qui permet depuis des milliers d’années la survie de l’espèce en nous poussant à fuir ou à combattre.

L’anxiété prend racines dans la peur. L’anxiété, c’est lorsque la peur prend toute la place, lorsqu’elle est causée par un danger imaginaire ou réel qu’on croit ne pouvoir affronter. On se sent impuissants, petits, en perte de contrôle, affolés.

Et sentir qu’on perd le contrôle dans un monde archi-organisé, c’est angoissant. C’est donc dire que ça rajoute une couche à la peur initiale ressentie.

On peut avoir peur d’une multitude de choses : du noir, des Noirs, des araignées, des chiens, des humains, de la différence, de l’inconnu, des inconnus, des gais, de l’abandon, de la honte, du mépris, de la fin du monde, du monde pas fin, de l’avenir, du passé qui nous hante, des transgenres, de soi, etc.

La peur en soi n’est pas négative; c’est la façon qu’on a de l’exprimer et de la gérer qui peut l’être.

L’inconnu, l’incompréhension, ça fait peur. Mais que fait-on avec cette peur? On la garde pour soi? On l’alimente en s’alliant à des gens qui partagent les mêmes peur que nous? On la corumine avec eux? On la garroche en plein face de ceux qui nous la font ressentir? De ceux qui ne la ressentent pas dans une tentative désespérée de les contaminer avec la nôtre? On gueule sur ceux qui ne voient pas le danger là où nous on le voit, sans tenter de comprendre pourquoi eux n’ont pas peur? Sans tenter de cesser d’avoir peur en essayer de comprendre notre incompréhensible?

On a peur de ce qu’on ne connaît pas. De ce qu’on ne comprend pas. Mais il semble que peu tentent de comprendre, de voir plus loin que leur peur. Que beaucoup justifient leurs faits et gestes par la peur (oh! Sans la nommer ainsi, évidemment; c’est bien connu que « la peur, c’est pour les faibles ».) voire même excusent également les autres (qui ont les mêmes peurs qu’eux, évidemment).

La peur, ça mène à construire des murs, à isoler, à déclarer la guerre, à se boucher les oreilles et à se convaincre qu’on a raison. Ça rassure, avoir raison.

Et ceci, on l’observe à l’échelle mondiale mais à l’échelle personnelle, aussi.

Dernièrement, plusieurs copines et collègues ont annoncé cesser leurs activités de partage d’opinions car elles reçoivent trop de commentaires haineux, sur la place publique ou en privé. Parce qu’elles constatent que le débat n’arrive pas à se faire dans le respect de l’autre.

Oui, exprimons-nous, mais pas n’importe comment. Avec respect – de soi et de l’autre. En tentant de comprendre le point de vue de l’autre, en acceptant qu’on n’a pas la vérité absolue (non, notre vérité n’est pas forcément celle de l’autre. C’est ce qu’on appelle l’empathie).

Après tout, on est aussi des modèles pour nos jeunes à qui on somme de « bien se comporter » sur les réseaux sociaux et « dans la vraie vie » sans qu’en tant qu’adultes, on y arrive.