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L’art d’apprécier

Kharoll-Ann Souffrant

Kharoll-Ann Souffrant

Cet article a été rédigé par Kharoll-Ann Souffrant, étudiante en travail social à l’Université McGill.

J’ai toujours à peu près su l’angle que je voulais donner à ma vie. C’est ce qui m’a permis de traverser bien des tempêtes. Je ne savais pas exactement comment j’allais parvenir à mes fins, ni sous quelle forme de manière précise. Or, j’ai toujours su que je voulais me dédier à un équilibre entre venir en aide aux autres et prendre soin de moi. C’était une évidence pour moi.

Adolescente, j’étais agacée au plus haut point lorsque je sentais qu’on ne me prenait pas au sérieux ou que l’on doutait de ma capacité à faire quelque chose. Ça venait me chercher dans mon orgueil et ma fierté. Je voulais « dévorer le monde », faire mes preuves à la Terre entière alors qu’en fait, je n’avais rien à prouver à personne.

Je ne m’en rendais pas compte à l’époque parce que je manquais de confiance en moi, comme bien des gens. Toutefois, cette détermination est restée. Elle s’exprime un peu différemment aujourd’hui.

Quelques années ont passé et le plan que j’avais en tête s’est précisé avec des surprises (bonnes et mauvaises) en cours de route. Aujourd’hui adulte, je m’impatiente parfois lorsque quelque chose que je désire ardemment ne se pointe pas dans ma vie aussi rapidement que je le voudrais. Je me décourage, je doute, je me déprécie, même.

Or, dans ces moments-là,  j’essaie de faire confiance à la vie. Parce qu’elle m’a fait plusieurs cadeaux qui sont arrivés au bon moment, au bon endroit et qui me servent beaucoup. Alors, je me remémore la jeune fille que j’étais à 14 ans ou à 16 ans qui  est très différente de celle de 22 ans, mais qui voulait tout ardemment, qui était tout autant willing. Et c’est là que je me dis « une chance que je n’ai pas eu ce que je voulais à cette époque-là ».

Parce que je n’aurais pas su comment le gérer. Ça n’aurait pas été sain pour moi. Ça aurait été un cadeau empoisonné. Ça m’aurait fragilisé au lieu de me servir. Je n’avais pas le vécu ni l’expérience pour en faire quelque chose de bien. Je n’en avais pas conscience à ce moment-là mais je le vois clairement maintenant.

Je crois vivre les meilleures années de ma vie et en ce moment, je suis en train de me construire. En tant que femme, en tant que citoyenne et en tant qu’individu. Je n’ai ni la maturité ni l’expérience pour faire ces milles et unes choses auxquelles j’aspire si fort. Mais à force de travail, un jour peut-être, je le serai. Et c’est à ce moment-là que je pourrais faire ce que je veux et ce, de la bonne manière, avec rigueur, professionnalisme et de façon saine pour moi. Je suis une perfectionniste et j’ai horreur de mal faire les choses. S’il faut 10 ans pour me forger, ça prendra 10 ans. Mais lorsque je serai prête et que ce sera le bon moment, je le sentirai et les autres autour de moi me le feront sentir aussi.

Nous avons tous tendance à nous comparer, à regarder chez le voisin et à trouver l’herbe plus verte. La vérité est qu’on ne sait jamais les combats que les personnes affrontent dans leur vie derrière des portes closes. Et ce qui est bon pour l’autre, que l’on souhaite à tout prix, n’est peut-être pas la bonne chose pour soi, à ce moment précis de notre vie. Ça peut sonner bien ésotérique tout ça, mais chaque individu a son parcours, son chemin et les succès et les embuches qui s’y rattachent. C’est un périple qui n’est facile pour personne (à différents niveaux, bien entendu). Mais peut-être que si je n’ai pas ce que je désire si fort maintenant, peut-être que c’est que ce n’est tout simplement pas le bon moment ? Et peut-être que dans 10 ans, je remercierai la vie de ne pas me l’avoir offert sur un plateau d’argent maintenant.