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Oeil pour oeil, dent pour dent

Hier, à l’entrée du tunnel Ville-Marie, j’ai remarqué cette affiche : « Présence policière accrue : ralentissez ». Vraiment? La seule raison pour laquelle on devrait ralentir c’est par peur de se faire arrêter? Le fait est que oui, c’est exactement ça. On n’a pas peur d’avoir un accident, de se blesser, de blesser les autres, d’être dangereux, de glisser sur une plaque de glace. On a peur de se faire arrêter. De prendre des points d’inaptitude? Ouan. De payer une contravention? Oh, ça, non! Affiche_CSR

Mais c’est ainsi dans toutes les sphères : quand un individu se fait arrêter, on lui souhaite de subir la même chose que ce qu’il a vécu. S’il se fait incarcérer, on lui souhaite de pourrir en prison (et non pas d’apprendre de ses erreurs, de travailler sur lui, de régler ses problèmes de santé mentale pour arriver à se réintégrer en société).

Quand une personne fait une erreur, on souhaite la punir, « lui faire payer » ce qu’elle a fait. Se venger. « Œil pour œil, dent pour dent ». Quand un enfant « nous cherche », on tente de trouver la pire façon de le faire « souffrir »; le priver de ceci ou de cela, lui faire la gueule, l’isoler dans sa chambre pendant une durée ridiculement longue, etc.

(Ici, « on » exclut la personne qui parle.)

Et ce mode de pensée, je l’observe auprès de collègues, de participants à des formations (que je dispense ou auxquelles j’assiste), sur les réseaux sociaux, dans la rue…bref, partout.

Cet automne, j’étais invité à un colloque pour prévenir et contrer l’intimidation. Une conférencière américaine fabuleuse (dont j’oublie le nom), faisait une présentation sur la discipline positive. Ce type de discipline, en gros, vise à comprendre le besoin de l’enfant qui se cache sous un comportement inadéquat, afin d’agir sur ce besoin. Cette stratégie s’en veut une d’humanisme, d’empathie, de compréhension, de responsabilisation, aussi.

Durant sa présentation, une participante, enseignante au primaire, lève la main : « Ok, je comprends que c’est bien de faire ce que vous dites mais moi, de quoi je vais avoir l’air, auprès de mes collègues? Comment je vais leur expliquer que je récompense un jeune en prenant le temps de lui parler et de le comprendre? ».

La mâchoire m’est tombée. Non. Non, ça se peut pas, qu’une enseignante de 25 ans d’expérience ait peur de ce que les autres vont dire. Qu’elle ne priorise pas le bien-être de ses élèves (mais plutôt le sien, visiblement). Et par-dessus tout, elle considère que la discipline positive en est une de « récompense». Que le fait de passer du temps à parler à l’enfant pour le responsabiliser, pour le comprendre et l’aider à apprendre de nouvelles façons de faire adéquates est une récompense! Encore la maudite pensée « punition / récompense ».

Dans cet ordre d’idée, elle ne comprend pas que c’est elle qui sera récompensée de ses efforts de compréhension des jeunes : moins d’interventions, moins de frustrations, moins de punitions, tiens, pourquoi pas. Plus de temps positif, de temps de qualité à enseigner plutôt que de tomber sur la tomate de tel ou tel jeune.

Et ça m’inquiète. Ça m’inquiète de savoir que le fils de mon amoureux pourrait tomber sur ce type d’enseignantes, d’autant plus qu’il a des besoins particuliers qui nécessitent une grande empathie et une bonne dose de compréhension.

Ça m’inquiète de savoir que l’enfant de mon amie, l’enfant du voisin, les enfants de manière générale (vous savez, ces futurs adultes qui forgeront un monde à leur image?) soient en contact régulier et récurrent avec ce type d’adultes : ceux qui se priorisent, qui refusent de sortir de leur zone de confort, qui accordent une plus grande importance au « qu’en dira-t-on » qu’au bien-être de leurs élèves.

Heureusement, je pense à mes amies Martine et Julie, à ma belle-sœur Isabelle, au prof de Poulet, Monsieur André, à Marie-Andrée et Catherine, d’anciennes collègues et je me dis : « ouf. Il y a aussi des profs extraordinaires pour nos enfants ».