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Chère Léa

Chère Léa,

La mise en ondes de ton documentaire « Beauté Fatale » crée des vagues.

J’espère que tu ne t’en fais pas trop avec les remous. Car ils sont inévitables. Car ils sont inévitablement terrifiants pour les individus qui souhaitent plaire à tout prix, comme toi (et moi…et plusieurs autres).

Tu sais, Léa, je crois que tes détracteurs ressentent un profond malaise avec tes paradoxes. Sans doute parce que tu les reconnais toi-même. Sans doute parce que tu les renvoies à leurs propres paradoxes. Car nous en avons tous.

Je crois qu’ils se sentent inconfortables avec le fait que tu sois belle ou plutôt, avec le fait qu’ils te trouvent belle. Parce qu’ils ne saisissent pas comment ça se fait que toi, tu ne te trouves pas belle.

Parce que oui, tu corresponds aux critères de beauté classiques : yeux de biche, bouche pleine, pommettes saillantes, cils courbés, visage symétrique. Ah! La symétrie du visage. En fait, les chercheurs ont constaté que c’est précisément la raison qui fait qu’on trouve esthétiquement beau quelqu’un.

Et je crois que les individus comprennent mal comment tu peux percevoir tes traits distordus dans l’image que te renvoie ton miroir. Parce qu’ils ne se fient qu’à l’extérieur : ton apparence. Oui, précisément ce que tu dénonces.

Et je ne sais pas si c’est politically correct de l’écrire (ou même de le penser), mais si tu étais grosse, Léa, si tu avais les deux yeux dans le même trou, si tu parlais sur le bout de la langue, si tu étais une de ces personnes avec des problèmes de peau, si tu avais un double menton, un grain de beauté poilu sur la joue, un nez tordu, une quasi absence de lèvres, est-ce que tes détracteurs auraient un regard plus tendre envers toi? « Pauvre fille laitte qui ne sera jamais belle ». Sauf que.

Sauf que ce n’est pas le cas. Sauf que tu es belle. Sauf que tu te rapproches beaucoup de l’image idéale de la femme grande, élancé avec un visage angélique. Et c’est probablement ce rapprochement qui te fait voir en 1 000 000 de fois plus gros tes défauts, tes insatisfactions corporelles. Parce que tu es « si près du but ».

Mais je le répète : ce n’est pas parce que tu es objectivement belle que tu te trouves belle. Ça, je le comprends tout à fait.

Ensuite, ta mère. Beaucoup ont nommé avoir ressenti un malaise face à votre discussion, aux non-dits qui subsistent entre vous deux. Pourquoi? Encore une fois, peut-être parce que ça les ramène aux propres malaises et non-dits vécus avec leur propre mère. Moi, je trouve ça beau, votre vulnérabilité. Ça a le mérite d’être vrai. Et n’est-ce pas là le but d’un documentaire, être vrai? Peut-être les téléspectateurs auraient préférés une image esthétique idéale d’une relation mère-enfant mais ça aurait été mensonger. Et on aurait été, une fois de plus, dans cette recherche d’idéal et d’esthétisme. Oui, oui, les mêmes aspects dénoncés par le documentaire.

Enfin, Léa, j’espère que tu es fière de toi, de t’être montrée si vraie, de t’être exposée au regard pas toujours tendre des autres.

En tout cas, moi, je te regarde avec beaucoup de tendresse.