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À la recherche de l’humanité

Lu, sur le site de Statistiques Canada :

« Le taux de mortalité par suicide est resté assez stable de 1979 à 1998. Le taux de suicides est quatre fois plus élevé pour les hommes que pour les femmes, mais le taux d’hospitalisations pour tentative de suicide est une fois et demie plus élevé pour les femmes que pour les hommes. En 1998-1999, environ 9 % des personnes qui ont été hospitalisées pour tentative de suicide ont reçu leur congé de l’hôpital plus d’une fois la même année à la suite d’une tentative de suicide. »

En d’autres mots :

Les gens étaient aussi malheureux en 1998 qu’ils l’étaient en 1979. Ou en en 1980, en 1981, en 1982, en 1983…et ce, pour les 15 autres années subséquentes. Les hommes réussissent leur coup quatre fois plus souvent que les femmes, bien que ces dernières essaient une fois et demie plus que les premiers. En 1998-1999, 9% des cas connus de gens qui ont tenté de mourir par leurs propres moyens et qui ont reçu des soins à l’hôpital ont retenté de mourir au cours de la même année. Et ça n’a pas marché. Et ces gens ne vont pas mieux parce qu’ils sont sortis de l’hôpital, puisqu’ils y retournent, à défaut de ne plus avoir ni de corps, ni d’esprit pour retourner où que ce soit.

Les gens sont malheureux parce qu’ils se sentent seuls. Parce qu’il n’y a pas place à la vulnérabilité dans une société de performance, où les résultats priment, que ce soit au travail, en termes d’efficacité, que ce soit à la maison, en termes d’avoirs. D’avoir la plus grosse voiture, la plus grosse maison, le plus gros terrain, avec le plus de gazons, avec le plus vert des gazons!

Parce que de ressentir de la colère, c’est mal vu. Parce que de pleurer en public, c’est faible. Parce que d’aller consulter un psychologue, c’est pour les fous. Parce que de parler de ses émotions, surtout pour les gars, c’est « fif ». Et effectivement, le portrait-type du suicidé au Québec est le suivant : les jeunes hommes homosexuels. Qui ne fittent pas dans le cadre de l’Homme, avec un grand H. De l’Homme mâle, viril, fort. ARGGGGGH

Ce taux alarmant de suicide parle de lui-même : on vit dans une société malade. Malgré que l’on fasse partie d’une des sociétés les plus riches, on fait partie du top 3 des sociétés qui se tuent à petit feu. Les 1 091 suicidés de 2007 en témoignent.

Et sur ces 1 091 suicides annuels depuis plus de trente ans, je suis sûre que vous en connaissez; la mère d’une amie, le père d’un voisin, et peut-être même que vous êtes l’amie de quelqu’un qui connait quelqu’un que sa mère s’est enlevée la vie, ou le voisin en question qui a perdu son père. Et j’en suis sincèrement désolée. Vraiment.

Le suicide est une solution permanente à un problème temporaire. La personne qui se tue ne veut probablement pas se tuer, à proprement parler. Elle veut tuer la souffrance qui est en elle et, malheureusement, la seule façon qu’elle ait trouvée est de se tuer elle-même. Parce qu’elle n’a trouvé de soulagement nulle part ailleurs. Parce qu’elle devait se sentir bien seule, dans sa souffrance. Parce qu’elle n’en a peut-être parlé à personne, de peur de se faire rejeter. Parce que oui, la souffrance d’autrui, ça fait peur. Parce que oui, la vulnérabilité, ça fait peur; ça nous reflète peut-être trop notre propre vulnérabilité, nos propres failles, notre propre humanité.

Et pourtant…ce dont nous avons tous besoin en tant qu’être humain, c’est de rencontrer l’humanité d’une autre personne.

C’est la semaine de la prévention du suicide…parlez-en à un ami à qui vous avez confiance, si vous n’allez pas. Parlez-en à vos parents, à votre sœur, votre frère, si vous avez confiance en eux. Parlez-en à votre médecin, au psychologue de l’école, de l’institution où vous travaillez. Parlez-en à qui vous voulez, mais parlez-en. Ne restez pas avec ce mal-être qui vous envahi. Si vous en avez de besoin, vous pouvez aussi appeler un intervenant au 1-866-APPELLE.

Si vous avez un ami, une tante, une sœur, un frère, un parent, un voisin qui ne va pas, écoutez-le. Et si vous ne vous sentez pas en mesure de le faire, référez-le au CLSC de son quartier, à un professionnel, à un médecin. Et vous pouvez vous aussi appeler au 1-866-APPELLE pour du soutien, des conseils. Pour d’autres références, vous pouvez consulter la section « Références » de mon blogue.